Finalement, les premiers résultats sur la qualité du lait sont «rassurants», comme l’indiquait, vendredi 11 octobre, à Rouen (Seine-Maritime), Roger Genet, le directeur général de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail). Il avait fait cette déclaration à l’occasion de l’installation du «comité pour la transparence et le dialogue» après l’incendie du site chimique de Lubrizol, classé Seveso «Seuil haut», le 26 septembre.
Dans son premier avis rendu lundi 14 octobre, l’Anses estime qu’il n’y a pas de dépassement dangereux d’une première série de contaminants, notamment de dioxines, dans le lait. Les dioxines sont surtout dangereuses par ingestion et «peuvent s’accumuler dans les matières grasses», avait précisé Gilles Saval, directeur général délégué de l’Anses. Ces résultats ont été obtenus à partir de 130 prélèvements de lait, entre le 29 septembre et le 7 octobre, sur une première famille de contaminants, considérés par l’Anses comme de «bons indicateurs» de la pollution. Toutefois, l’Agence prévient qu’une levée des mesures de restrictions de la commercialisation du lait doit s’accompagner d’une surveillance renforcée pour tenir «compte de l’hébergement et de l’alimentation des animaux» et d’une «détection précoce de contaminations du lait, que ce soit via le sol de pâtures ou par le biais de l’abreuvement ou d’aliments locaux susceptibles d’avoir été exposés». A ces bémols près, dans la foulée, la Direction générale de l’alimentation, qui dépend du ministère de l’Agriculture, pourrait autoriser la reprise de la commercialisation du lait des 425 éleveurs, interdite par arrêté préfectoral, depuis le sinistre. Déjà, le préfet a décidé de lever les mesures de restriction sur la collecte du lait.
Un autre avis de l’Anses sera publié mardi 15 ou mercredi 16 octobre pour les autres produits alimentaires, qui font également l’objet du même arrêté d’interdiction. Il avait été pris, par précaution pour deux semaines après l’incendie, sur les œufs, le poisson, le miel et tous les produits végétaux. Ainsi que le lait.
Excédés par l’interdiction, qui aurait dû s’éteindre avec l’arrêté préfectoral en vigueur jusqu’au 11 octobre au soir, une trentaine d’agriculteurs ont déversé du lait à Rouen, devant la préfecture de Seine-Maritime. Opération renouvelée, le 12 octobre, à Amiens, près du siège de la préfecture de la Somme, a rapporté Le Courrier Picard. Les éleveurs concernés sont situés sur cinq départements de Normandie et des Hauts-de-France (Seine-Maritime, Oise, Nord, Somme et Aisne). Le manque à gagner est estimé, pour eux, à 5 millions d’euros, sur un total de 40 à 50 millions de pertes pour le monde agricole.
700.000 litres de lait détruits chaque jour
Depuis l’incendie le 26 septembre, ce sont 700.000 litres de lait qui sont détruits chaque jour par 425 éleveurs, a estimé Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture.
Outre des mesures d’urgence prises pour le contrôle de certains métaux lourds (cadmium, plomb et mercure), des dioxines et des hydrocarbures aromatiques polycycliques, l’Ineris (Institut national de l’environnement industriel et des risques) et l’Anses ont demandé des analyses complémentaires. Ils veulent, à cause des produits stockés chez Lubrizol, de l’ampleur de l’incendie et de l’impressionnant panache de fumées noires, vérifier la présence de zinc, des retardateurs de flamme utilisés par les pompiers pour éteindre le feu, de l’arsenic inorganique et, par ailleurs, de phtalates (une famille de plastiques qui comprend notamment le fameux bisphénol A). Près de 300 prélèvements ont été effectués sur les deux régions concernées et notamment sur 45 exploitations témoins en Seine-Maritime.
Effectuer des prélèvements du sol
À plus long terme, d’autres mesures sont préconisées par l’Anses, notamment sur des prélèvements de sols. Car des animaux d’élevage, comme les poulets et les vaches, sont susceptibles d’ingérer de la terre, lorsqu’ils sont élevés en plein air. Enfin, une cartographie pertinente des retombées est souhaitée par l’Anses pour déterminer précisément où des contaminants éventuels ont pu se déposer. Une modélisation du panache de fumées de l’incendie a déjà été effectuée par l’Ineris. Il s’étend jusqu’au Pays-Bas et à l’Allemagne. Mais cette carte avait été effectuée uniquement avec l’incendie de l’usine de Lubrizol, mais pas sur celui du site voisin de Normandie-Logistique. Selon l’Ineris, la forme du panache n’est pas modifiée, mais les dépôts seraient deux fois plus importants.