Le réchauffement climatique menace lourdement la santé des enfants

Poings serrés, Aurore dort paisiblement. La petite fille vient de naître, et ses parents attendris ne voient pas les mauvaises fées qui se penchent sur l’enfant endormie. Elles ont pour nom malnutrition, diarrhée, pollution et sécheresse, et elles accompagneront Aurore tout au long de son existence. Les adultes savent bien qu’elles approchent, qu’elles sont déjà là. Mais trop préoccupés de leurs intérêts immédiats, ils n’ont pas pris la peine de les chasser…

Ce triste conte, c’est celui que dessinent dans le Lancet un collectif multidisciplinaire de 120 experts, appartenant à 35 institutions mondiales. Quinze jours avant le début de la COP25 à Madrid, ils mènent comme chaque année une analyse exhaustive, basée sur 41 indicateurs clés, des mesures nécessaires pour atteindre les objectifs pour la santé humaine fixés dans l’Accord de Paris pour le climat, adoptée en 2015. Et puisque le monde ne semble pas décidé à parvenir à limiter le réchauffement climatique à moins de 2°C, son poids à court, moyen et long terme sur la santé des enfants qui naissent aujourd’hui promet d’être lourd. Peu importe dans quelle partie du monde Aurore est née: les conséquences ne seront pas partout le mêmes ; mais partout elles se feront sentir.

Les bébés seront les premiers à souffrir de la malnutrition : les rendements agricoles baissent déjà et les prix s’en ressentent.

Les bébés seront les premiers à souffrir de la malnutrition: les rendements agricoles baissent déjà et les prix s’en ressentent. Enfants, ils seront ceux qui souffriront le plus de la hausse des maladies infectieuses, favorisées par le réchauffement: durant les 30 dernières années, notent les auteurs, le nombre de jours climatiquement favorables à la bactérie vibrio, en cause dans la plupart des maladies diarrhéiques, a doublé, et la dengue menace une part grandissante de la population mondiale.

Maladies respiratoires, cardiovasculaires et décès prématurés

Tout au long de leur adolescence, la pollution atmosphérique va s’aggraver, apportant son lot de maladies respiratoires, cardiovasculaires, et de décès prématurés ; avec des coûts faramineux: les pertes économiques et coûts de santé liés aux microparticules PM2,5, calculent les auteurs, pourraient en Europe atteindre 129 milliards d’euros par an si la pollution reste constante! Les enfants nés aujourd’hui souffriront aussi toute leur vie d’une hausse des phénomènes météorologiques extrêmes (inondations, sécheresse, feux de forêt, vagues de chaleur…), qui s’intensifieront.

«Les effets des changements climatiques s’accélèrent et sont de plus en plus évidents», s’alarme dans un communiqué le Pr Hugh Montgomery, co-président du rapport du Lancet. Or «les enfants sont particulièrement vulnérables aux risques sanitaires liés au changement climatique» car «leur corps et leur système immunitaire sont en train de se développer», explique le Dr Nick Watts, directeur exécutif du rapport.

Le respect de l’accord de Paris pourrait pourtant tout changer, plaident les experts.

Le respect de l’accord de Paris pourrait pourtant tout changer, plaident les experts. Ils notent ainsi qu’un jeune Britannique pourait voir la fin de l’utilisation du charbon dans son pays avant ses 6 ans, un Canadien avant ses 11 ans; un enfant naissant aujourd’hui en France verrait les dernières voitures essence et diesel vendues avant ses 21 ans. Et les auteurs de lister quatre clés pour limiter la catastrophe: renoncer au charbon, aider financièrement les pays les plus pauvres à lutter, améliorer les transports publics et durables, investir massivement dans les systèmes de santé pour faire face aux conséquences de la hausse des températures. «Dans bien des cas, les économies réalisées grâce à des travailleurs en meilleure santé et plus productifs, et de moindres dépenses de santé, couvriront les coûts» liés à la lutte contre le réchauffement, assurent les auteurs.

Le réchauffement «arrive plus vite que les gouvernements ne peuvent, ou ne veulent y répondre» et «des opportunités ont été manquées», s’alarment les scientifiques. «Nos enfants reconnaissent l’urgence climatique et demandent des actions concrètes et efficaces, plaide le Pr Montgomery. Nous devons les écouter.»


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