«Nous voulons aider les apiculteurs, les responsables de la gestion des terres et les personnes qui conçoivent des mélanges de graines, à sélectionner les plantes les plus intéressantes pour les abeilles domestiques.» Morgan Carr-Markel, doctorante à l’université du Minnesota, est à l’origine d’une étude sur la danse des abeilles parue mercredi 12 février dans la revue Plos One. Alors que de nombreux propriétaires terriens dans le nord du Midwest des États-Unis veulent restaurer des prairies pour lutter contre la monoculture, l’équipe de Morgan Carr-Markel s’est interrogée sur les conséquences de cette restauration sur les colonies d’abeilles. «Nous voulions savoir si, telles qu’elles sont mises en place aujourd’hui, les prairies restaurées peuvent également attirer des abeilles domestiques, qui ont du mal à s’adapter à ces évolutions.»
Les chercheurs ont donc analysé le comportement des abeilles lors du butinage de prairies restaurées. Objectif: mieux comprendre leurs préférences alimentaires et aider à leur protection en permettant aux agriculteurs de choisir les bonnes fleurs.
Les colonies d’abeilles rassemblent des milliers de cueilleuses. Lorsque l’une d’elles déniche une parcelle de fleurs particulièrement intéressante, elle en informe ses consœurs à travers une danse très codifiée: l’abeille réalise des huit, et lorsqu’elle est au milieu de ce huit, bouge son abdomen d’avant en arrière. L’angle de ce frétillement indique alors aux autres abeilles la direction à prendre, par rapport au soleil, pour se rendre dans la zone à butiner. La durée du frétillement correspond quant à elle à la distance de la zone par rapport à la ruche. Et plus la zone est intéressante, plus la danse durera longtemps.
Essentielles à la santé des cultures
En étudiant quelque 1500 danses d’abeilles appartenant à des colonies placées à proximité de deux larges prairies, les chercheurs ont observé que la proportion de danses augmentait significativement à la fin de l’été et au début de l’automne. «Cela correspond à la période des fleurs de la famille des Astéracées». Dans une optique de restauration d’espaces, il peut donc être intéressant de privilégier ce type d’espèces florales en particulier, concluent les chercheurs. Les abeilles bénéficieront alors de conditions optimales pour effectuer leur travail de pollinisation et, ce faisant, contribuer à l’économie et à l’alimentation.
Les abeilles semblent en effet essentielles à la bonne marche des cultures. Selon Greenpeace, un tiers de notre alimentation dépend de la pollinisation par les abeilles, sans laquelle le coût de la culture de fruits et légumes augmenterait considérablement. L’espèce la plus répandue, Apis mellifera, permettrait ainsi aux États-Unis d’économiser 14 milliards d’euros par an, tandis que 4000 variétés de légumes cultivés en Europe n’existeraient pas sans le travail assidu de ces insectes. Mais victimes des activités humaines, elles présentent une mortalité en hausse. Les causes en sont multiples, principalement une trop grande exposition à des agents pathogènes, à des parasites ou à des pesticides et l’essor des monocultures, qui raréfient les sources de nourriture disponibles. Ainsi, aux États-Unis, 30 à 40 % des colonies domestiques ont disparu depuis 2006, contre 20 % en Europe.