L’emploi de plantes agricoles rendues résistantes aux herbicides est susceptible d’entraîner une réaction en chaîne de l’environnement qui doit être surveillée de près. Telle est en substance la conclusion du premier état des lieux mené en France sur l’utilisation de ces variétés (qu’on appelle «variétés rendues tolérantes aux herbicides», ou VRTH), sélectionnées génétiquement pour supporter l’application de certains herbicides. Le rapport a été rendu public jeudi par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses).
Les VRTH sont utilisées en France depuis 2010, principalement dans les champs de colza et de tournesol, deux espèces qui sont naturellement sensibles aux produits employés par les agriculteurs pour détruire les mauvaises herbes. «Ces plantes sont rendues résistantes par des techniques de sélection variétale traditionnelle ou de modification du génome par mutagenèse», indique Ohry Yamada, responsable de la phytopharmacovigilance à l’Anses et auteur du rapport. En France, l’emploi des VRTH concerne 27% des surfaces cultivées en tournesols et 2% des surfaces de colza. Soit près de 200.000 hectares de terres.
Mais cette utilisation année après année pourrait conduire à un emballement. «Plus l’agriculteur repasse avec le même herbicide qui a le même mode d’action sur sa parcelle, plus il favorise les mauvaises herbes survivant à ces traitements», souligne Ohry Yamada. Le risque est à terme d’entraîner le développement de résistances par les mauvaises herbes et, de ce fait, de conduire à un recours accru à l’utilisation de pesticides.
Le phénomène n’a pas encore été observé sur le terrain, précise l’Anses qui confirme une crainte déjà soulevée dans un rapport rendu en 2011. À l’époque, les scientifiques de l’Inra et du CNRS fondaient leurs conclusions sur des expériences étrangères, menées aux États-Unis et en Amérique du Sud où ces variétés controversées sont autorisées depuis plus longtemps.
Or ces semences ne sont soumises à aucune procédure d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché, et aucun suivi obligatoire de leur utilisation n’existe à ce jour, déplore l’Anses. L’agence a eu le plus grand mal à rassembler les données nécessaires à son expertise. Elle recommande donc avant tout «de mettre en place un dispositif de suivi afin de surveiller les éventuels effets indésirables liées aux VRTH».
Cet avis intervient dans un débat plus large sur le statut réglementaire de ces variétés obtenues par mutagenèse. Doivent-elles être considérées comme des OGM? La question a été posée au Conseil d’État par plusieurs associations de défense de l’environnement. En cas de réponse positive, une réglementation plus stricte sera appliquée à ces semences.