Le GIEC donne des pistes pour lutter contre la dégradation des terres

La sécurité alimentaire mondiale est menacée par une hausse de 2°C de la température moyenne mondiale, estime le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat).

Des mesures urgentes doivent être prises contre la désertification des terres qui aggrave la pauvreté, les déforestations qui contribuent à laisser davantage de gaz à effet de serre s’accumuler dans l’atmosphère, le gaspillage alimentaire qui représente de 25% à 30% de la production. Et, si possible, de nouveaux régimes alimentaires, moins fournis en protéines animales dans les pays riches, doivent être adoptés.

Telles sont quelques-unes des grandes recommandations du dernier rapport spécial du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) sur le «changement climatique et les terres», présenté ce jeudi matin, à Genève, au siège de l’Organisation météorologique mondiale. Ce «résumé pour les décideurs politiques» a été approuvé mercredi 7 août «par consensus» par les représentants des 195 pays, réunis à huis clos, à Genève, depuis le 2 août.

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«Selon les scénarios de développement socio-économique du GIEC les plus proches des tendances observées, dès 2,5°C de réchauffement global, des risques forts pèsent sur la stabilité du système alimentaire. Dans la cinquième série de rapports du GIEC, publiés en 2013 et en 2014, ce niveau de risque sur la sécurité alimentaire était associé à une hausse de 4°C de la température globale moyenne», indique Jean-François Soussana, vice-président pour l’international de l’INRA (Institut national de la recherche agronomique), et coauteur d’un chapitre consacré au changement climatique, aux sols, à l’agriculture et à l’alimentation.

1,53°C au dessus des terres émergées

Cette aggravation est d’autant plus préoccupante que la hausse des températures au-dessus des terres émergées est de 1,53 °C par rapport à l’ère préindustrielle, et de 0,87 °C en moyenne au-dessus des terres et des océans. Les risques pour la sécurité alimentaire mondiale pourraient donc intervenir plus rapidement que ce qui avait été anticipé il y a cinq ans. Notamment car les catastrophes climatiques s’aggravent et sont plus fréquentes ; l’intensité et la durée des vagues de chaleur sont plus intenses ; les inondations plus abondantes et les sécheresses plus rigoureuses.

«Le climat vu de ma fenêtre et dans mon assiette»

Valérie Masson Delmotte paléoclimatologue au LSCE (Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement) et coprésidente du GIEC.

Des risques sont déjà constatés pour les cultures agricoles dans les régions désertiques, où 500 millions de personnes habitent, en hausse de 300% depuis 1961. Et la population vulnérable au stress hydrique devrait augmenter de 178 à 277 millions d’individus vers 2050, selon la hausse de la température (entre 1,5°C et 3°C), estime le rapport.

Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue au LSCE (Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement) et coprésidente du GIEC, résume ce nouveau rapport sur les terres par ces expressions imagées: «c’est le climat vu de ma fenêtre, ou «le climat dans ma ferme» et également le climat «de mon assiette»!».

Au total, une quarantaine d’options ont été proposées pour réduire les émissions de gaz à effet de serre des terres et améliorer les rendements. Car les terres sont à la fois une solution et un problème. «Elles émettent 23% des gaz à effet de serre, du fait de l’agriculture, de l’élevage et de la déforestation. Mais elles servent également de puits de carbone, grâce à la photosynthèse et à l’accumulation de carbone dans la matière organique des sols et des forêts, pour un total estimé autour de 11 milliards de tonnes de CO2 équivalent par an», précise Jean-François Soussana de l’Inra.

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Globalement, elles captent environ «un tiers des émissions de dioxyde de carbone de l’industrie et de la combustion des hydrocarbures», ajoute Jim Skea, coprésident d’un des groupes de travail du GIEC. Mais elles émettent un peu plus de carbone qu’elles n’en captent, notamment à cause de la dégradation des terres et de la déforestation. Il serait donc nécessaire de restaurer les écosystèmes terrestres dégradés, notamment les zones humides, mais également les régions désertiques en plantant des arbres, afin de préserver la biodiversité et lutter contre les changements climatiques. Mais attention, il ne faut pas qu’il y ait un recours accru aux terres pour lutter contre le changement climatique, notamment en ayant un recours massif à la biomasse. Car face à une population mondiale qui augmentera, entre 8 à 11 milliards d’individus sur la seconde partie du siècle, les terres doivent rester productives pour nourrir la population mondiale en croissance. Il y aurait un risque de compétition sur l’usage des terres.

Autrement dit, le meilleur moyen de lutter contre le réchauffement climatique reste de réduire le plus tôt possible, les émissions mondiales de CO2.


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